26 novembre 2021

S’il faut du courage pour dire la vérité, la protectrice du citoyen, Marie Rinfret, en a démontré beaucoup lors de la rédaction de son rapport spécial portant sur la COVID-19 dans les CHSLD durant la première vague de la pandémie, rendu public en début de semaine. On peut comprendre le premier ministre François Legault et son gouvernement d’être pressés de changer de sujet, car ils n’en sortent pas grandis.

Ce qui est plutôt dérangeant pour un gouvernement qui, disons-le franchement, avait jusqu’à présent été plutôt bien servi par la pandémie, avec un taux de popularité enviable.

Un mythe qui en prend un coup

La perception positive du gouvernement pour sa gestion de la crise sanitaire est pour beaucoup dans sa popularité actuelle. Depuis le printemps 2020, le gouvernement Legault avait réussi à créer une certaine forme de mythe autour d’une gestion presque parfaite de la pandémie.

Le rapport de la protectrice du citoyen porte aujourd’hui un dur coup à ce mythe. Le gouvernement Legault est loin de mériter une note parfaite pour sa gestion de la pandémie. S’il est vrai que la gravité de la pandémie causée par le virus de la COVID-19 n’était pas prévisible, il en va tout autrement de l’état de vulnérabilité dans lequel se trouvait notre système public de santé, notamment nos CHSLD, au moment où a éclaté la crise sanitaire.

Une crise accentuée par des décisions gouvernementales

La FSQ-CSQ ainsi que d’autres organisations syndicales ont multiplié les alertes au cours des dernières années pour dénoncer notre grande fragilité advenant une urgence semblable. Malheureusement, ce gouvernement, à l’image de ceux qui l’ont précédé, a préféré faire la sourde oreille, ignorer les « méchants syndicats » et s’enfoncer encore plus loin dans la politique de sous-investissement de notre système public de santé en cours depuis trop longtemps, notamment en matière de prévention.

Car il ne faut pas être dupe : si l’ampleur de la pandémie nous a toutes et tous pris par surprise, notre incapacité à protéger plus adéquatement les personnes les plus vulnérables de notre société n’est pas le fruit du hasard. Elle relève directement des choix politiques pris par les différents gouvernements qui se sont succédé à Québec depuis 25 ans. La COVID-19 a fait céder les maillons affaiblis par le sous-financement de notre système public de santé au cours des dernières années, particulièrement les CHSLD qui ont été politiquement très négligés depuis plusieurs décennies.

D‘autres causes du cafouillage

Mais ce n’est pas la seule cause. Il faut également pointer le doigt vers l’utopie de la gouvernance centralisée comme outil de gestion de notre réseau public de la santé et des services sociaux. Après avoir dénoncé la réforme Barrette, qui a aboli toute structure décisionnelle de proximité dans notre système public pour concentrer le pouvoir entre les mains du ministre et de son ministère, la CAQ, une fois au pouvoir, a maintenu ce mode de gestion inefficace et dangereux. La protectrice du citoyen l’a démontré : les structures décisionnelles trop éloignées des milieux de pratique ont entraîné des délais d’intervention trop longs et, dans certains cas, une incompréhension des besoins et des directives. Cela a mené à un véritable cafouillage sanitaire et administratif, avec son lot de décès et de tragédies.

Le Québec a également négligé depuis trop longtemps la prévention en santé publique, une mission pourtant essentielle pour faire face adéquatement aux crises sanitaires. Et des crises, nous en connaîtrons malheureusement beaucoup d’autres. Alors que d’autres provinces canadiennes ont augmenté de façon notable leurs dépenses en santé publique au cours des dernières années, celles du Québec ont connu d’importants reculs depuis 2014. En 2019, le Québec dépensait 3 fois moins par habitant (150 dollars) que la moyenne canadienne (384 dollars), un déficit d’investissement qui représente près de 2 milliards de dollars annuellement.

Ce que le gouvernement doit faire

Que faire maintenant? Nous ne voulons plus que le gouvernement cherche à justifier ses choix passés, nous réclamons qu’il prenne ses responsabilités.

Nous voulons qu’il remette la prévention au cœur de ses décisions en matière de gestion des risques. Il doit rétablir localement, et pour chacune des installations de notre réseau, des plans d’action de santé publique qui seront élaborés, mis en œuvre, évalués et mis à jour régulièrement par les parties concernées, dont les travailleuses et les travailleurs qui connaissent très bien les lacunes, les besoins et les défis de leurs milieux.

Aussi, le gouvernement doit redonner aux communautés et aux milieux de soins les leviers décisionnels et les ressources qui leur permettront d’assurer leur sécurité. La planification de proximité et la rapidité d’action seront nos meilleures protections lors des prochaines crises sanitaires.

Par Isabelle Dumaine, présidente de la Fédération de la Santé du Québec (FSQ-CSQ